Confusion suspecte autour des origines de la crise entre Alger et Paris

Alors que le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, durcit le ton et attise la crise, son collègue ministre des Affaires étrangères, JeanNoël Barrot, parle de la volonté de Paris d’établir “de bonnes relations avec l’Algérie”, en la décrivant comme un pays “voisin avec lequel nous avons des liens étroits”, ce qui donne l’impression d’une “schizophrénie” politique ou d’une stratégie de répartition des rôles et de double discours, illustrée par le contraste et le manque d’harmonie au sein du gouvernement français en ce qui concerne la crise entre les deux pays.
Ce constat apparaît également lorsqu’on compare les discours du président Emmanuel Macron, et les signaux d’apaisement qu’il a envoyés la semaine dernière bien qu’ils semblent peu sérieux , avec ceux de son Premier ministre, François Bayrou, qui s’aligne sur la position de son subordonné Retailleau, en parlant de “donner à l’Algérie un délai de quatre semaines avant d’appliquer de nouvelles sanctions”, un ton qui ne devrait pas être employé dans la communication entre gouvernements.
Cette manière de gérer la crise entre l’Algérie et Paris s’est également manifestée dans la façon dont le gouvernement français traite les éléments moteurs de la crise et ses dossiers, en se focalisant sur ceux où l’Algérie semble en tort comme la question de l’immigration et du renvoi de ressortissants poursuivis en justice en France, ou encore l’emprisonnement d’un écrivain français , alors que l’Algérie a appliqué ses lois et les accords qui la lient à la France, comme l’a mentionné un communiqué du ministère des Affaires étrangères concernant le célèbre influenceur connu sous le nom de ” Doualemn”.
Pendant ce temps, Paris ignore totalement les véritables causes de la crise, et les exclut de toute négociation ou concession, comme son alignement sur le projet expansionniste marocain au Sahara occidental, incarné par le plan d’autonomie, au détriment d’un peuple qui revendique son droit à l’autodétermination, alors même que cette question est soumise aux Nations unies comme un dossier de décolonisation.
De même, plusieurs facteurs ont été négligés dans la hiérarchie des priorités politiques, diplomatiques et médiatiques de la gestion de la crise, comme les déclarations provocatrices du président français sur l’histoire de la nation algérienne et ses manœuvres sur la question mémorielle, en faisant des concessions au comptegouttes, de manière sélective, et en les exploitant politiquement et électoralement. À cela s’ajoutent des tentatives visant à vider l’histoire de son contenu auprès des nouvelles générations et à la réduire à un simple passé, sans assumer les responsabilités et les conséquences qui en découlent.
Ce mode de gestion de la crise et la recherche d’une issue qui profite à l’autre rive se reflètent dans les plaidoyers du ministre Barrot, que l’on peut comparer aux positions des politiques modérés, expérimentés et historiens, qui adoptent des analyses neutres et objectives.
Le chef de la diplomatie française a affirmé, mardi dernier, lors d’une intervention à l’Assemblée nationale, que son pays voulait établir “de bonnes relations” avec l’Algérie, exprimant son espoir que “les autorités algériennes entament une nouvelle phase” dans les relations bilatérales en traitant la question de l’immigration.
Dans cette même optique, le ministre a déclaré : “Il ne faut pas faire d’amalgame entre les milliers de personnes en France qui sont liées d’une manière ou d’une autre à l’Algérie et qui n’ont rien à voir avec les difficultés que nous rencontrons avec les autorités algériennes”, précisant qu’il s’entretiendra “très prochainement avec des représentants de cette communauté”.
Barrot a ajouté que la France “n’est pas responsable de l’escalade”, qu’elle “n’est pas à l’origine de l’arrestation arbitraire d’un écrivain français”, et qu’elle “n’est pas celle qui refuse de reprendre les ressortissants algériens en situation irrégulière sur son territoire”.
Cependant, Barrot n’a pas mentionné que la France a violé le droit international dans l’affaire du Sahara occidental, qui représente pour l’Algérie une question d’autodétermination d’un peuple méritant un soutien, et un enjeu de sécurité nationale qu’un régime expansionniste allié à l’entité sioniste ne peut occuper.
Barrot n’a pas non plus évoqué le fait que l’écrivain Boualem Sansal est aussi de nationalité algérienne et a tenu des propos qui ont conduit les autorités algériennes à l’inculper sur la base du code pénal, ni mentionné que certains des individus expulsés par la France sont euxmêmes poursuivis en justice sur son territoire, et qu’il faudrait donc leur garantir des procès équitables et le droit à la défense.
Enfin, Barrot a réduit la crise à la question des expulsions, en affirmant : “Nous espérons que les autorités algériennes accepteront cette liste, afin de permettre l’ouverture d’une nouvelle phase dans nos relations, qui nous permettra de résoudre nos différends et d’envisager une coopération stratégique potentielle”.