La Commission de discipline “s’efforce” de ne pas appliquer la loi
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La Commission de discipline de la Ligue de football a cédé aux pressions de l’opinion publique dans l’affaire Ayoub Abdellaoui. Elle a commis une erreur en se précipitant pour contenir les répercussions des réactions, et elle a “interprété”, aujourd’hui, les règlements de manière à infliger la sanction la plus sévère possible au joueur du Mouloudia d’Alger. Ce dernier a entraîné avec lui dans cette affaire le joueur de l’Union de Biskra, Abdeljalil Takieddine Saâd, pour avoir commis la même faute, alors que ce type d’infraction n’avait pas suscité autant de réactions avant celle d’Abdellaoui.
Si l’on reconnaît que le renforcement des sanctions contre ceux qui enfreignent les règles de discipline dans le cadre sportif est une nécessité, cela ne saurait en aucun cas donner aux responsables des commissions juridiques le droit “d’interpréter” ou “d’adapter” les fautes des sportifs et des dirigeants selon leur propre vision. Cela ne saurait non plus justifier la combinaison de plusieurs articles de loi pour alourdir une sanction.
Lorsqu’on examine la décision de la Commission de discipline de suspendre Ayoub Abdellaoui et Abdeljalil Takieddine Saâd pour six (06) matchs complets en raison de “propos injurieux, diffamatoires ou obscènes portant atteinte à l’honneur et à la dignité des officiels”, il apparaît clairement que la commission a “manipulé” les articles juridiques pour requalifier l’infraction des joueurs (Abdellaoui et Saâd) à travers une “interprétation” erronée. Cela met en évidence un aspect “subjectif” dans l’application d’une sanction qui ne figure pas explicitement dans le règlement disciplinaire.
En revenant à l’origine de la faute en question, on constate qu’il s’agit de “propos” et non de “gestes”. C’est une distinction essentielle qui constitue le point de “divergence” ou de “désaccord”, dans la mesure où la loi ellemême considère que l’atteinte à l’honneur et à la dignité réside dans l’action et non dans la parole. C’est ce que stipule l’article 74 du règlement disciplinaire, qui précise que “tout geste obscène, exprimé de quelque manière que ce soit par un joueur, un dirigeant ou un entraîneur, portant atteinte à l’honneur et à la dignité d’une personne, expose son auteur à une suspension de six (06) matchs”.
Quant aux propos, le règlement disciplinaire considère toute atteinte à l’honneur et à la dignité comme un “comportement antisportif”. C’est ce que stipule l’article 58, qui qualifie les “propos injurieux, diffamatoires ou obscènes” d’acte antisportif, passible d’une suspension de quatre (04) matchs et non plus.
Après la publication de sa décision sur le site de la Ligue professionnelle de football, la Commission de discipline a clairement montré qu’elle était consciente que son interprétation n’avait aucun fondement juridique. De la même manière qu’elle s’est empressée de calmer la colère des supporters, elle s’est aussi précipitée pour justifier sa décision en combinant les articles 58 et 74, tout en ajoutant l’article 115 afin de “légitimer” son interprétation erronée. Cela lui a permis d’infliger une suspension de six (06) matchs pour une infraction qui en méritait quatre (04).
En procédant à une “requalification incorrecte” de la faute d’Abdellaoui et Saâd, la Commission de discipline a associé les articles 58 et 74, bien que la loi ne stipule pas explicitement que “des propos” puissent être considérés comme une atteinte à l’honneur et à la dignité, contrairement aux gestes. La réglementation considère d’ailleurs que les “gestes” ou les “actes” sont plus graves que les paroles, et que les gestes ont un potentiel d’atteinte à l’honneur et à la dignité, tandis que les propos sont explicitement qualifiés de comportement antisportif, sans plus.
Un joueur, un dirigeant ou un entraîneur ne saurait être tenu responsable des lacunes, contradictions ou erreurs du règlement. Bien que l’idée que certaines paroles, notamment dans les stades, puissent porter atteinte à l’honneur et à la dignité soit largement acceptée, le règlement disciplinaire établit une distinction illogique entre gestes et paroles. Il stipule que les gestes obscènes pouvant porter atteinte à l’honneur et à la dignité concernent “toute personne”, tandis que les propos injurieux ne concernent que “les officiels”. La sanction est ainsi plus sévère pour les gestes que pour les paroles, ce qui est absurde mais découle directement du règlement disciplinaire luimême.
Le point le plus ironique dans cette affaire, qui accable encore plus la Commission de discipline et prouve sans équivoque qu’elle était consciente de son “interprétation forcée” pour ne pas appliquer la loi, est le recours à l’article 115 du règlement. Cet article stipule que “les cas non prévus dans le présent règlement, notamment ceux qui sont imprévus (et/ou) très graves, sont tranchés conformément aux règlements de la CAF (et/ou) de la FIFA, qui précisent que les instances juridiques prononcent leurs décisions selon la coutume associative et la jurisprudence en la matière, ainsi que, dans tous les cas, selon les règles qu’elles établiront lors de l’élaboration de leurs règlements”.
Si l’on se concentre sur l’article 115, qui concerne spécifiquement les “cas non prévus”, on réalise qu’il est totalement hors sujet dans l’affaire AbdellaouiSaâd. Considérer que des propos injurieux constituent une “situation imprévue” ou “très grave” et que cela justifie “l’interprétation” de la Commission de discipline pour combiner les articles 58 et 74 afin d’alourdir la sanction est une tentative de duper l’opinion publique. En réalité, des propos injurieux tenus envers des officiels lors d’un match de football ne peuvent être perçus que comme une atteinte à l’honneur et à la dignité.
Enfin, il convient de rappeler que si l’affaire Ayoub Abdellaoui n’avait pas eu autant de répercussions, celle d’Abdeljalil Takieddine Saâd, qui a tenu des propos injurieux envers l’arbitre lors du match entre l’Union de Biskra et l’USM Alger, n’aurait jamais reçu autant d’attention. Par ailleurs, en se basant sur les images télévisées même en l’absence d’un rapport de l’arbitre signalant une infraction d’un joueur, dirigeant ou entraîneur, comme prévu dans l’article 5 du code disciplinaire la Commission de discipline serait incapable de “justifier” ou “interpréter” sa position, même après “réinterprétation”.
Cela est d’autant plus flagrant lorsqu’on sait qu’elle n’a pas appliqué la même rigueur à Saliem Boukhenchouche, joueur de l’USM Alger, qui avait adressé un geste injurieux aux supporters lors du match de son équipe contre le NC Magra lors de la phase aller du championnat. Ce dossier, qui était pourtant similaire, a été tout simplement oublié, comme s’il était tombé en prescription.